Publiées en 1788, les "Lettres sur l’Italie" du Président Dupaty occupent une place à part dans la production des récits de voyage en Italie du XVIIIe siècle. Elles se différencient en effet profondément des autres relations, car elles ne sélectionnent qu’un petit nombre de sujets et d’endroits privilégiés qui reflètent non seulement les goûts esthétiques et littéraires au tournant des lumières, mais annoncent déjà les voyages de l’époque romantique. Toutefois l’aspect le plus novateur du recueil réside dans sa structure narrative, car si le choix de la forme épistolaire n’est pas très nouveau en lui-même, l’usage qu’en fait le magistrat bordelais est, en revanche, assez inhabituel. Dans le bric-à-brac de cette correspondance unilatérale, qui se rapproche souvent du journal intime, et où le « je » du locuteur s’adresse à un « vous » sans identité et même totalement effacé dans certaines lettres, le voyageur a mêlé ses états d’âme à des considérations sentencieuses, des dialogues à des scènes descriptives, du style indirect libre aux exhortations lyriques, intercalant judicieusement des imitations poétiques de sa composition, là où ses prédécesseurs inséraient de savantes citations latines. A défaut d’intrigue et de personnages romanesques, le narrateur anime les sites qu’il visite ou les tableaux qu’il regarde en créant des crescendo émotionnels, en introduisant des instants de suspense et en ménageant des effets de surprise. Le décor devient ainsi spectacle et le récit de voyage joue au roman.
Un voyage littéraire à la fin du XVIIIe siècle
GILLE, MIREILLE
2008-01-01
Abstract
Publiées en 1788, les "Lettres sur l’Italie" du Président Dupaty occupent une place à part dans la production des récits de voyage en Italie du XVIIIe siècle. Elles se différencient en effet profondément des autres relations, car elles ne sélectionnent qu’un petit nombre de sujets et d’endroits privilégiés qui reflètent non seulement les goûts esthétiques et littéraires au tournant des lumières, mais annoncent déjà les voyages de l’époque romantique. Toutefois l’aspect le plus novateur du recueil réside dans sa structure narrative, car si le choix de la forme épistolaire n’est pas très nouveau en lui-même, l’usage qu’en fait le magistrat bordelais est, en revanche, assez inhabituel. Dans le bric-à-brac de cette correspondance unilatérale, qui se rapproche souvent du journal intime, et où le « je » du locuteur s’adresse à un « vous » sans identité et même totalement effacé dans certaines lettres, le voyageur a mêlé ses états d’âme à des considérations sentencieuses, des dialogues à des scènes descriptives, du style indirect libre aux exhortations lyriques, intercalant judicieusement des imitations poétiques de sa composition, là où ses prédécesseurs inséraient de savantes citations latines. A défaut d’intrigue et de personnages romanesques, le narrateur anime les sites qu’il visite ou les tableaux qu’il regarde en créant des crescendo émotionnels, en introduisant des instants de suspense et en ménageant des effets de surprise. Le décor devient ainsi spectacle et le récit de voyage joue au roman.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.