L’autrice recense les jugements portés sur l’œuvre historique de Chateaubriand par ses contemporains. La « Préface » des Études historiques de 1831, apparemment solidement informée historiquement et logiquement articulée, souffre par exemple de l’accusation de catalogue. L’attaque est de taille pour qui veut justement retrouver de la cohérence d’une ligne syntaxique dans l’histoire. Mais l’autrice prouve que Chateaubriand a souhaité rendre compte d’un changement dans le travail d’historien et dans la conception même de l’histoire. Il marque durablement les études historiques et la façon d’écrire l’histoire, en cherchant à la fois à recenser la production historique de la France de son époque dans ce qu’elle a de plus significatif et à saisir dans les formes de l’histoire ce qui fait effet de sens – ainsi de la Révolution. Chateaubriand se situe en plein dans une période de mise en place de la discipline historique comme science et comme profession. Il écrit en même temps qu’il témoigne, de la Révolution à la Monarchie de Juillet. À mi-chemin entre la description dite objective et la recherche d’une fatalité dans l’histoire, Chateaubriand construit des effets de causalité qui tiennent aussi au fait qu’il est entre deux générations (souvent métaphorisées par les rives du fleuve temporel11) : celle qui a connu pleinement la Révolution et les plus jeunes, qui en furent marqués mais ne l’ont pas vécue par eux-mêmes. Curieusement, alors que Chateaubriand appartient plutôt à l’ancienne génération, alors que de très grands historiens sont absents de la liste (tels Joseph de Maistre, Pierre-Louis Anquetil, Saint-Simon, Auguste Comte, Guizot), c’est la jeune génération qui prend le plus de poids. En effet, celle-ci, issue du romantisme, correspond à l’esprit moderne, innovant et débarrassé de la tendance antiquaire. Chateaubriand fait donc entrer l’histoire descriptive au sein même de son système fataliste. Cette attention de l’autrice à la « Préface » a donc le mérite de rendre compte d’un changement dans la conception des études historiques et dépasse le simple catalogue. Chateaubriand combine en effet fatalité historique, philosophie de l’histoire et spécialisation scientifique d’une discipline de plus en plus descriptive.

Chateaubriand et les historiens de son temps

CASSINA, CRISTINA
2009-01-01

Abstract

L’autrice recense les jugements portés sur l’œuvre historique de Chateaubriand par ses contemporains. La « Préface » des Études historiques de 1831, apparemment solidement informée historiquement et logiquement articulée, souffre par exemple de l’accusation de catalogue. L’attaque est de taille pour qui veut justement retrouver de la cohérence d’une ligne syntaxique dans l’histoire. Mais l’autrice prouve que Chateaubriand a souhaité rendre compte d’un changement dans le travail d’historien et dans la conception même de l’histoire. Il marque durablement les études historiques et la façon d’écrire l’histoire, en cherchant à la fois à recenser la production historique de la France de son époque dans ce qu’elle a de plus significatif et à saisir dans les formes de l’histoire ce qui fait effet de sens – ainsi de la Révolution. Chateaubriand se situe en plein dans une période de mise en place de la discipline historique comme science et comme profession. Il écrit en même temps qu’il témoigne, de la Révolution à la Monarchie de Juillet. À mi-chemin entre la description dite objective et la recherche d’une fatalité dans l’histoire, Chateaubriand construit des effets de causalité qui tiennent aussi au fait qu’il est entre deux générations (souvent métaphorisées par les rives du fleuve temporel11) : celle qui a connu pleinement la Révolution et les plus jeunes, qui en furent marqués mais ne l’ont pas vécue par eux-mêmes. Curieusement, alors que Chateaubriand appartient plutôt à l’ancienne génération, alors que de très grands historiens sont absents de la liste (tels Joseph de Maistre, Pierre-Louis Anquetil, Saint-Simon, Auguste Comte, Guizot), c’est la jeune génération qui prend le plus de poids. En effet, celle-ci, issue du romantisme, correspond à l’esprit moderne, innovant et débarrassé de la tendance antiquaire. Chateaubriand fait donc entrer l’histoire descriptive au sein même de son système fataliste. Cette attention de l’autrice à la « Préface » a donc le mérite de rendre compte d’un changement dans la conception des études historiques et dépasse le simple catalogue. Chateaubriand combine en effet fatalité historique, philosophie de l’histoire et spécialisation scientifique d’une discipline de plus en plus descriptive.
2009
Cassina, Cristina
File in questo prodotto:
Non ci sono file associati a questo prodotto.

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11568/127229
 Attenzione

Attenzione! I dati visualizzati non sono stati sottoposti a validazione da parte dell'ateneo

Citazioni
  • ???jsp.display-item.citation.pmc??? ND
  • Scopus ND
  • ???jsp.display-item.citation.isi??? ND
social impact